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Point sur
Histoire et mémoire(s)
LA MÉMOIRE : UN DEVENIR DU PASSÉ
Une notion polysémique
Dans Les Confessions, le philosophe et théologien Saint Augustin (354-430) décrit la mémoire comme “un présent du passé”. Une telle définition rend compte des dynamiques temporelles en jeu dans cette notion. La mémoire ne saisit jamais le passé tel qu’il a été dans son intégralité, mais le sélectionne, le retraduit, le recompose à partir du présent.
Car, comme l’affirme le philosophe Paul Ricœur (1913-2005), le passé est d’abord une chose absente, un “ayant été quoique n’étant plus” : ce qui a existé n’est plus là devant nous, et cela de façon irréversible. La mémoire est donc une médiation qui permet d’accéder à cette chose absente, mais de façon limitée car toujours parcellaire, le présent
mettant en lumière certains aspects du passé et laissant d’autres pans dans l’oubli.
Pas de mémoire sans oubli donc, car la mémoire doit être sélective pour être significative.
Le caractère irrémédiablement absent du passé, qui détermine la condition du vivant, n’a pas échappé aux êtres humains. Cette conscience les a conduits à défier l’absence par la production de traces. Qu’il s’agisse d’individus, d’événements, de mythes fondateurs, mais aussi d’organisations sociales et politiques, l’histoire est semée d’actions humaines pérennisant le périssable. Par exemple, depuis 100 000 ans, les restes humains sont l’objet de pratiques funéraires d’inhumation par leurs proches qui les conservent ainsi dans des lieux spécifiques. Les formes de cette attention aux corps des morts n’ont cessé d’évoluer dans le temps, comme le montrent, à l’époque contemporaine, l’édification de tombes individuelles nominatives se substituant aux fosses communes ou l’inscription de leur nom sur des monuments pour les soldats morts au combat à partir de la deuxième moitié du XIXe siècle. Cette intention sépulcrale des êtres humains, qui les distingue du monde animal, se traduit par une mise en mémoire de ceux qui ne sont plus là dans des espaces consacrés, matérialisant symboliquement une forme de présence malgré l’absence, avec ou sans restes humains.