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Point sur
Le long XIXe siècle, depuis les révolutions du siècle précédent jusqu’à la Grande Guerre, a pu être lu comme le siècle par excellence de l’affirmation de l’État-nation en Europe. Une telle entité fait coïncider les frontières de “l’État” — autorité politique dominant un territoire et une population — avec les limites de la “nation”, communauté formée d’individus souhaitant se placer sous une loi commune. À l’époque contemporaine, l’émergence de la forme “État-nation” a connu plusieurs phases. Même si les époques médiévale et moderne avaient déjà vu éclore les premiers sentiments nationaux en Europe, la Révolution française a constitué un tournant essentiel en proposant une définition nouvelle de la nation, entendue comme un groupe déterminé par une forte cohésion politique : “un corps d’associés vivant sous une loi commune et représenté par la même législature”, selon la célèbre formule de l’abbé Sieyès. Le XIXe siècle a renforcé la forme “État-nation” en Europe, qui s’est trouvée consolidée dans certains cas par le biais d’une organisation politique plus centralisée (en France et en Espagne), ou qui a émergé dans d’autres aires géographiques (en Italie et en Allemagne) au terme des processus dits d’“unification”.
Mais — pour reprendre et adapter la célèbre formule de l’historien Ernest Renan — qu’est-ce qu’un État-nation ? L’historien Jürgen Osterhammel, auteur de La Transformation du monde, retient un ensemble de critères cohérents. On peut parler d’État-nation si une telle entité est séparée par des frontières, si elle peut s’appuyer sur un État affirmant son indivisibilité, si elle invoque une légitimité “par le bas” en intégrant ses citoyens dans une communauté dont la généalogie fait l’objet d’une forme de consensus. Tandis que l’État-nation se pense comme un territoire intangible, l’Empire colonial, autre forme territoriale en voie d’affirmation tout au long du XIXe siècle à l’échelle du monde, se déploie dans un espace plus malléable, dont les contours peuvent toujours s’agrandir ou rétrécir au gré des conquêtes et des pertes des métropoles.