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Point sur
C’est à bien des pièges et des difficultés que s’expose le chercheur, historien ou géographe, qui souhaite étudier les épidémies et leur évolution dans le temps. Si la définition classique, la maladie qui frappe tout le monde, est commode, elle véhicule, sans doute, trop de clichés et de préjugés pour être un objet historiographique simple.
Et, disons-le tout de suite, les événements récents n’ont guère amélioré la situation.
Désormais, aucun homme sur la planète n’ignore ce qu’est une pandémie. Mais est-ce aussi simple quand il s’agit d’observer comment les sociétés humaines d’un passé plus ou moins lointain interagissent avec des organismes vivants à la fois minuscules, invisibles et redoutables ?
Ce que le grand public croit connaître de la Peste noire sert-il vraiment à comprendre comment un virus circule, à échelle planétaire, au XXIe
siècle ?
À l’inverse, les témoins de la Covid-19 peuvent-ils se représenter plus facilement ce que pouvait entraîner, jadis, une épidémie de variole ou de choléra ?
De surcroît, notre propre rapport à la santé, à la médecine ou à la mort conditionne notre perception des réponses qui, dans le passé, tentaient de gérer des situations extrêmement critiques.
Comme souvent, différentes temporalités se superposent, sans toujours se recouper car faut-il le rappeler, une épidémie est un fait social total, qui touche autant à l’économie qu’à la spiritualité, autant aux pratiques de la vie collective qu’aux productions intellectuelles confidentielles.
Superstitions, manipulations, tâtonnements et angoisse collective se mêlent en fabriquant autant de filtres brouillant la vision de la réalité.
Mais cette réalité est plurielle, elle varie sans doute autant avec les aires géographiques et les périodes qu’avec la nature même des agents infectieux qui sont en cause.
Sur le plan strictement géographique, longue est la tradition qui associe une maladie à un déséquilibre spatial ou environnemental.
Hippocrate, le premier, a établi un lien étroit entre le déclenchement des épidémies et des aléas climatiques ou environnementaux qui, d’origine humaine ou non, bousculent l’équilibre d’un lieu, d’une ville, d’une région.
Et lorsqu’il s’agi de cartographier les grandes vagues de peste ou les infections endémiques, la question de l’échelle s’est posée immédiatement.
Pourquoi retrouve-t-on des malades du choléra dans tel quartier de Londres et pas ailleurs ?
Si le paludisme est associé aux eaux stagnantes dans les zones tempérées et chaudes, est-ce le climat ou un autre agent qui est en cause ?
La Covid-19 serait-elle devenue une pandémie sans les liaisons aéroportuaires ?
Bien entendu, c’est l’imbrication des différentes échelles qui donne du sens aux analyses. Les déséquilibres spatiaux, qu’ils soient d’origine économique ou autre, se superposent aux paramètres relevant de la microbiologie mais également de la vie des hommes sur leurs territoires. En ce sens, chaque
pathologie transforme son espace ou répond à des logiques spatiales qui, entre circulations et gradients, sont du ressort du géographe.