N° 8129 – Juillet 2019
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Un monde de migrants
Le 2 septembre 2015, la photographie du corps sans vie d’un petit garçon de trois ans, Aylan Kurdi, rejeté par la mer sur une plage de Bodrum en Turquie, provoquait une puissante onde de choc dans les opinions publiques européennes, brutalement confrontées au drame des réfugiés syriens que, jusque-là, elles n’avaient pas su voir. Cette image bouleversante a déclenché un grand mouvement de solidarité vis-à-vis de ces familles entières fuyant la tyrannie et la guerre. Cependant, les pays de l’Union européenne se divisèrent bientôt entre une Allemagne d’autant plus accueillante que ses besoins de main-d’œuvre l’inclinent à faire appel à l’immigration, et les autres pays européens, plus réservés, voire tout à fait hostiles à l’arrivée de migrants, fussent-ils éligibles à l’asile politique.
Depuis lors, la question des migrations fait l’actualité comme s’il s’agissait d’une réalité nouvelle. Pourtant, elle est une composante essentielle de l’histoire mondiale depuis le xixe siècle qui a vu les Européens partir en masse peupler les “nouveaux mondes”.
Depuis cette époque, les motivations des migrants n’ont pas changé. Une partie d’entre eux sont des réfugiés, mais l’immense majorité prend la route pour trouver du travail et construire une vie meilleure. Cependant, les flux sont
désormais beaucoup plus contrôlés qu’ils ne l’étaient auparavant, surtout dans les pays du Nord. Bien que l’immigration légale constitue la majorité des flux, elle est très encadrée et limitée numériquement. Les candidats sont ainsi nombreux à tenter leur chance dans la clandestinité.
Les parcours migratoires sont souvent chaotiques et s’étirent sur des mois, voire des années. Dans les pays de « transit », les migrants sont vulnérables et peu accompagnés. Pour franchir les obstacles qui se présentent à eux, frontières naturelles telles que mers, fleuves et montagnes ou bien artificielles, comme les murs érigés par les États, ils ont recours à des passeurs et risquent leur vie. S’ils atteignent leur but, ils sont confrontés aux ambivalences des pays d’accueil, partagés entre hospitalité, intérêt pour une main-d’œuvre utile, peur et xénophobie.
Ce dossier de la Documentation photographique pose les grands enjeux des migrations contemporaines et invite à une réflexion sur le droit à la mobilité dans un monde où les possibilités de chacun tiennent à la nationalité du passeport que l’on possède. Il propose une synthèse des connaissances qui dissipe les fausses croyances, élargit le regard à l’ensemble de la planète et plaide pour une gouvernance internationale plus juste des migrations.