N° 8141 – Juin 2021

9,90

La Révolution Française

Proposer une nouvelle lecture de la Révolution française implique un triple pari. D’abord imaginer une nouvelle temporalité, retracer les origines profondes de l’événement dans la période moderne et esquisser sa postérité sur la longue durée. Ensuite réévaluer sa spatialité. La Révolution s’insère dans un espace atlantique bouleversé depuis la guerre de Sept Ans. Celle-ci a réuni des combats anciens mais fondateurs pour les révolutions de la fin du XVIIIe siècle. Les nouvelles revendications, traduites d’une langue à l’autre, circulent de port en port : dénonciation
de fiscalités en crise, lutte contre l’arbitraire des monarchies, pour les libertés individuelles et collectives et leur inscription dans des constitutions, émergence de l’idée de nation incarnée dans le concept d’indépendance, prise de conscience de l’injustice d’une économie monde fondée sur l’esclavage. Enfin, cette nouvelle lecture implique de présenter la particularité de la Révolution de France, laboratoire à la mesure du pays le plus grand et le plus peuplé de l’Europe occidentale, également celui de la monarchie absolue la plus ancienne.

Le parcours proposé dans ce dossier se construit autour des concepts de politisation, mobilisation, participation et agentivité. De quelles sources dispose l’historien pour reconstituer au plus près ces événements qui ont bouleversé la vie d’un pays entier ? Comment redonner à chacune et chacun sa place et rendre compte de leur vécu et de leurs émotions ? C’est au ras du sol que commence la Révolution avec des questions engageant la survie de millions de ruraux et de citadins affectés par un climat déréglé, l’histoire environnementale s’invitant dans le déclenchement révolutionnaire. Ce sont ensuite les conflits entre légalité et légitimité qui rythment la période, lorsque s’affrontent les représentants officiellement investis de la souveraineté nationale, occupés à rédiger près de 30 000 lois sur l’ensemble de la période, et une population faisant entendre ses attentes et ses exigences. Pouvoir exécutif, pouvoir législatif et pouvoir de l’opinion publique se structurent et se confrontent durant les printemps et étés 1789, 1791, 1792, 1793, 1794, 1795, et même 1796. Trop sous-estimée, la contre-révolution est au cœur de ces luttes. Populaire ou élitaire, elle est puissante, armée, soutenue par les monarchies européennes mobilisées contre la République. Elle se structure et pousse à la guerre civile et extérieure. La République ne peut être que victorieuse pour survivre et affirmer l’indépendance de la France. Tout le continent européen est concerné par l’expansion de la dynamique révolutionnaire, du nord de l’Irlande au sud de l’Italie. Dans les Antilles, l’abolition de l’esclavage conquise par les Africains déportés et leurs descendants, soutenus par les libres de couleur, puis confirmée par la loi à la Convention, donne une nouvelle dimension révolutionnaire à la fin du siècle. Pourtant, à partir de 1795, le pouvoir n’a de cesse d’effacer le peuple de la politique, le rendant responsable des désordres, et s’en remet toujours davantage aux militaires. La république de 1802, liberticide, plébiscitaire, esclavagiste et organisée autour d’un seul homme, sonne la fin de la période révolutionnaire. S’affirme alors un nouvel ordre fondé sur les notables et la sacralisation de la propriété. Il ne peut toutefois effacer l’idée de république, de nation et d’indépendance.

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