N° 8160 – Septembre 2024

11,00

Histoire et Mémoire(s)

Déboulonnages de statues ou graffitis sur des monuments, commémorations du 80ᵉ anniversaire de la Libération, journées du 11 novembre, du 8 mai, de la mémoire des génocides et de la prévention des crimes contre l’humanité le 27 janvier, de la fin de la guerre d’Algérie le 19 mars, ou des mémoires de l’esclavage le 10 mai, notre quotidien est rythmé par des actualités qui concernent différents passés.

Comme si la mémoire était devenue un cadre structurant de notre vie sociale. La multiplication depuis trente ans des journées de commémoration et des lieux de mémoire indiquent une évolution de notre rapport au passé, de sa trame narrative comme de ses objets. Ce changement de notre environnement mémoriel a une histoire, que ce dossier entend présenter à travers des documents variés.

À quelques exceptions près, le cadre chronologique choisi est la période contemporaine, en particulier les XXe-XXIe siècles, mais il y aurait assurément une histoire transpériode à écrire sur telle ou telle mémoire, comme le proposait déjà Pierre Nora il y a quarante ans dans Les Lieux de mémoire. Ce parti pris temporel permet d’étudier les évolutions majeures de la mémoire, dont nous sommes les contemporains, en France, mais aussi à l’échelle internationale. Sont ainsi présentés le poids des guerres mondiales, la place croissante accordée aux crimes de masse et à leurs victimes, les processus de mondialisation des mémoires à travers de nouvelles pratiques, les mémorialisations du fait colonial de par le monde, la judiciarisation du passé qui refaçonne nos temporalités, les mobilisations transnationales, les nouvelles conflictualités nationales et internationales sur le passé, les politiques de réconciliation conduites dans de nombreux pays, le tourisme mémoriel sur tous les continents.

Au cours de la seconde moitié du XXe siècle, de nouveaux acteurs individuels (les militants de la mémoire, les artistes) ou collectifs (les ONG, les institutions supranationales) ont émergé.

En outre, la mémoire est désormais nourrie par les cultures de masse (cinéma, télévision, radio, littérature, bande dessinée), qui constituent une nouvelle modalité de transmission du passé. Apparu plus récemment, le numérique contribue désormais à la construction d’une grande part de nos mémoires par les possibilités de stockage et de conservation des archives qu’il offre, comme par les médiations sociales immédiates qu’il permet. Et cette révolution de la mémoire 2.0 n’en est qu’à ses débuts.

Compte tenu des enjeux scientifiques et civiques dont il est porteur, ce numéro de la Documentation photographique s’adresse aux chercheurs, aux enseignants, aux élèves et à tout lecteur qui souhaite comprendre ce monde dans lequel le présent tisse et retisse continuellement des liens avec notre passé pour se projeter vers l’avenir.