N° 8134 – Mars 2020
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L’Asie du Sud-Est
L’Asie du Sud-Est a longtemps été perçue comme un entre-deux-mondes, un espace intermédiaire entre les géants indiens et chinois. Quelle unité peut receler cet ensemble émietté parce qu’en partie archipélagique ? Quoi de commun dans cette région-carrefour, où coexistent bouddhisme, islam, christianisme et religions ancestrales et où la diversité ethnique est telle que dans certains pays, la proportion des minorités dépasse celle des populations majoritaires ?
Pourtant, l’Asie du Sud-Est est un monde en soi. Les pays qui la composent connaissent des trajectoires de développement comparables, bien que suivant des chronologies différenciées. Ils s’intègrent rapidement dans la mondialisation qui nourrit leur forte croissance économique, mais approfondit encore les inégalités socioterritoriales, notamment dans les modalités de l’urbanisation. Les flux de population dessinent la forme d’une région intégrée : des systèmes migratoires régionaux dominent, organisés autour de la Thaïlande, de la Malaisie et de Singapour, et, depuis la fin des années 2000, le tourisme intrarégional a explosé de façon spectaculaire. Depuis la fin de la guerre froide, l’association des nations de l’Asie du Sud-Est (Asean) s’est progressivement élargie aux anciens États du bloc de l’Est au nom des intérêts politico-économiques communs de ses membres et du sentiment de l’unité régionale.
Les pays de l’Asie du Sud-Est ont la mer en partage et assument la responsabilité de routes maritimes stratégiques à l’échelle mondiale, en particulier dans le détroit de Malacca et en mer de Chine méridionale. La présence de la Chine, qui nourrit de grandes ambitions à l’échelle du continent, est un élément structurant des relations internationales dans la région. Les « nouvelles routes de la soie » suscitent l’espoir d’un développement accéléré et la méfiance vis-à-vis du puissant voisin. Les relations avec la Chine sont souvent conflictuelles, notamment en mer de Chine méridionale. Elle justifie l’attachement des pays de la région à l’alliance américaine et des rapprochements inattendus, comme entre les États-Unis et le Vietnam.
Le « miracle asiatique » qui porte l’Asie du Sud-Est sur le chemin de l’émergence depuis les indépendances n’est pas sans fragilités : la région est exposée à des risques – volcanisme, activité sismique, crise sanitaire, inondations, salinisation des terres agricoles –, aujourd’hui amplifiés par la mondialisation, l’explosion urbaine et le réchauffement climatique. Ce dossier offrira une plongée inédite dans une région devenue centrale dans la mondialisation et confrontée à des bouleversements sans précédent induits par l’émergence.