N° 8137 – Novembre 2020
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La Première Guerre Mondiale
Le 18 août 1914, dans la Neue Freie Presse, l’écrivain autrichien Stefan Zweig qualifia le monde en guerre de “monde sans sommeil”. Il y écrivait : “Il y a moins de sommeil dans le monde aujourd’hui, plus longs les jours et plus longues les nuits. Dans chaque pays de l’immense Europe, dans chaque ville, chaque rue, chaque maison, chaque logis, le souffle calme du sommeil est plus bref et enfiévré, pareil à une unique nuit d’été, lourde et étouffante, ce temps ardent rougeoie dans les nuits et embrouille les sens.”
Quatre ans plus tard, le 26 février 1918, il appelait, dans le même journal, “déchirure du temps” l’époque qu’il était en train de vivre et qui reléguait le “monde d’avant” dans un passé à jamais révolu. Si les contemporains de la grande déflagration n’exprimèrent pas tous avec la même acuité que Zweig la rupture temporelle que représenta la Première Guerre mondiale, ils furent néanmoins des millions à en faire l’amère expérience à travers le monde.
Cent ans après, la “Grande Guerre”, pourtant étudiée par désormais plus de quatre générations d’historiennes et d’historiens, objet de renouvellement et de débats historiographiques fort nombreux, ne cesse de fasciner et de poser de nouvelles questions.
Le Centenaire a révélé le lien qui lie les sociétés d’aujourd’hui à celles du début du vingtième siècle en proie à un cataclysme dont les dimensions ne cessent d’être réévaluées par la recherche.
Le flot de publications qui a accompagné le Centenaire traduit la permanence ou le retour de centres d’intérêt anciens comme les causes de la guerre, ses conséquences géopolitiques, la vie des combattants, le vécu des familles. Mais il marque également l’émergence de problématiques nouvelles telles que les conséquences environnementales ou les effets à moyen et long terme du conflit dans des espaces pourtant loin des fronts qui révèlent des continuités plus étroites qu’il n’y paraissait avec les conflits qui la précédèrent et la suivirent, formant un continuum conflictuel à l’échelle de la planète qui s’étire au moins de 1912 à 1923.
La présente publication a pour objectif, plutôt que d’offrir un bilan du Centenaire, de permettre aux lectrices et lecteurs d’accéder de manière aisée et synthétique – et à travers l’étude de nombreux documents originaux – aux principaux enjeux des nouvelles approches de la “déchirure du temps” que représenta la Grande Guerre. Plus qu’un simple conflit, celle-ci fut en fait une époque de l’histoire de l’humanité dont les effets sont encore sensibles aujourd’hui.