N° 8143 – Novembre 2021

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IRAN PARADOXES D’UNE NATION 

Le 18 juin 2021, les Iraniens ont élu leur huitième président de la République, Ebrahim Raïssi. L’abstention (52 %) a été massive, les oppositions écartées, mais les institutions fonctionnent malgré tout, alors que depuis des décennies on prédisait la chute imminente du régime islamique qui avait renversé la monarchie en 1979. La rivalité, que l’on disait sans issue, entre l’Iran et les Etats-Unis commence à s’atténuer depuis la signature le 14 juillet 2015 d’un accord sur le nucléaire avec l’Union européenne et les cinq membres permanents du Conseil de sécurité de l’ONU. Les femmes iraniennes sont parmi les plus éduquées et actives du monde musulman alors que le tchadowr, le voile traditionnel qu’elles portent, était devenu le symbole de leur oppression par l’islam conservateur. Les sanctions économiques internationales ont bloqué le développement d’un des pays les plus riches du monde en hydrocarbures, mais le potentiel industriel de l’Iran offre toujours des opportunités sans égales aux entreprises internationales. Les Iraniens ont vécu des drames, ils sont épuisés – et souvent révoltés – par les contraintes qui leur sont imposées à l’intérieur comme à l’extérieur, mais l’Iran est un pays émergent et – c’est un fait – une nation résiliente, toujours dynamique et créatrice. La liste est longue des paradoxes et des contradictions de l’Iran actuel que l’on ne peut comprendre avec des explications simplistes relatives au despotisme de “l’Iran des mollahs”, à la “résistance du peuple iranien”, au passé prestigieux de la Perse, ou à “l’Orient compliqué”. Les photographies nous permettent de regarder les faits simplement, tels qu’ils sont vécus par les Iraniens, et d’oublier un instant la propagande et l’idéologie de la République islamique et de ses opposants. Ce que l’on perçoit comme des paradoxes traduit peut-être un processus politique et social qui dépasse le cas iranien. Plusieurs décennies d’expérience de l’islam politique semblent avoir renforcé la république, plus que l’islam, au sein de la population et provoqué une réflexion novatrice sur le rôle de cette religion – ou des religions – dans la société et la politique. Une nouvelle classe moyenne d’origine populaire, disposant d’une solide formation, est en train d’émerger, sans renier son héritage islamique et national. Cette réalité sociale et culturelle, qui fait interagir nation, islam et mondialisation, est peut-être plus stable et durable que les rivalités au sein du gouvernement de Téhéran. L’Iran est un pays un peu à part dans le Moyen-Orient, mais il a vécu avant les autres des événements, souvent dramatiques, qui ont engendré de puissantes dynamiques. Le printemps iranien de 1979 a précédé les printemps arabes de 2011. Échecs, guerres, crises, mais aussi perspectives nouvelles. Fort de ses expériences, l’Iran a résisté et semble à nouveau capable de relever les défis et d’assumer les paradoxes d’une nation émergente.

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