N° 8144 – Décembre 2021
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S’INFORMER
LES MÉDIAS, HIER ET AUJOURD’HUI
L’histoire de l’information est, en grande partie, celle des techniques de communication, des médias. Histoire technologique et sociale ; contenant et contenu. Et, au centre de ces mouvements, complémentaires au départ, qui poussent les hommes et les femmes à s’informer et à informer, la question de l’autonomie. Indépendance de leurs choix dans le foisonnement – ou dans la rareté – des nouvelles du monde…et faculté d’informer dans toute la complexité qu’impose le réel aux individus. Qu’en est-il ?
Les évolutions en matière d’information se sont vite confondues avec la lutte pour les libertés liberté d’expression et liberté de la presse. Les médias changent, mais la volonté de sortir de la gangue étatique n’a jamais faibli. En France et dans les régimes démocratiques dignes de ce nom, le combat porté depuis des siècles par les journalistes pour leur indépendance semble gagné, mais leur victoire est remise en question par la possibilité offerte à chacun, par le numérique, d’intervenir – sans contrôle ni limites dans l’espace public.
Retour en arrière ou progrès démocratique ?
Le regard historique, ici choisi, révèle d’intéressantes permanences, alors que, en matière d’information, c’est le changement qui a frappé les contemporains. À chaque époque, en effet, depuis l’invention de l’écriture et de ses supports jusqu’à Internet, les nouveaux moyens d’information ont toujours été salués par un cortège d’enthousiasmes et de sombres prédictions. Les pouvoirs, qu’ils soient politiques, économiques ou spirituels, les ont perçus comme des puissances, des moyens d’influence, une chance et un risque. Entrer – grâce aux médias – dans les esprits et les consciences pour dominer, persuader, convaincre, est apparu comme l’opportunité d’obtenir le soutien des masses ou de garder le contrôle sur les personnes. Mais se voir contesté, moqué, critiqué, concurrencé par les médias, constituait un danger dont il fallait se prémunir.
Contrôle, censure, autocensure, répression, bourrage de crâne, propagande, manipulation, d’une part, controverses, liberté d’expression, liberté de la presse, lois, chartes, indépendance, d’autre part, ont alterné dans un épuisant combat. À chaque époque, l’enthousiasme à l’égard des nouvelles, la passion pour la vitesse de l’information, l’attrait du sensationnel, le mélange de crédulité et de méfiance à l’égard des médias, le goût du profit, qui contredit les valeurs d’honnêteté et de rigueur des médias légitimes, le plaisir coupable du public devant le mélange de fiction et de réalité, devant le divertissement, si présent dans l’information, la certitude – très contestable – que les médias sont tout puissants, ont coexisté.
Si seule la France a pu être traitée dans les limites de ce volume, les autres pays ont souvent connu les mêmes évolutions. Incroyables changements des sociétés et des techniques de communication et formidables retours des comportements et des usages de l’information. Le mot “révolution, qui ponctue, avec une certaine constance, le travail de l’historien, est souvent une facilité. Au contraire, l’expression “révolution numérique” ne semble pas usurpée. Les changements technologiques, considérables dans le monde de l’information-communication, provoqués par la numérisation de la société ont induit des mutations profondes. Umberto Eco en tire une leçon – pessimiste – à méditer : “Le drame Internet est qu’il a promu l’idiot du village au niveau de porteur de la vérité.”