N° 8148 – Septembre 2022

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BYZANCE

Longtemps, il a été difficile de situer l’Empire byzantin dans le champ de la discipline historique. Histoire ancienne ou médiévale ? Histoire occidentale ou orientale ? Les questions sont nombreuses et poussent les historiens à reléguer l’histoire byzantine dans un monde exotique, à part, romain certainement, chrétien assurément, mais surtout compliqué. Les Byzantins eux-mêmes participaient à cette difficulté de définir leur histoire. En effet, comme l’écrit en 1971 Paul Lemerle, croire que l’Empire byzantin possède un caractère immuable, intemporel, c’est “tomber dans le piège que [Byzance] a elle-même tendu” et qu’exprime parfaitement le vers du grammairien Maxime Planude (v. 1260-v. 1305) : “Tout change, mais rien ne se perd”.

Loin d’être seulement le conservatoire d’un Empire romain oriental christianisé, l’Empire byzantin a évolué tout au long du millénaire de son existence. Il partage avec le monde oriental et musulman de nombreux caractères : la ville est au centre de l’organisation de la société et, surtout, comme le calife, l’empereur a pour mission d’établir un pouvoir universel. Toutefois, il ne dispose plus des moyens de cette ambition. La transformation de l’héritage romano-chrétien induite par cet état de fait, place l’empereur, au même titre que le roi mérovingien, dans l’histoire médiévale. L’Empire byzantin connaît les mêmes phases de développement ou de crise économique que l’Europe occidentale tout au long du Moyen-Âge.

Cependant, le maintien de la présence d’un État fort, incarné par l’empereur, marque une différence profonde entre l’Orient et l’Occident. Ou plutôt, c’est l’oubli, ou l’amnésie temporaire de la notion d’État chez les Occidentaux, qui distingue essentiellement les royaumes occidentaux et l’Empire byzantin. D’ailleurs, en proclamant leur Empire en 800, les Carolingiens mettent en avant la notion de translatio imperii. Prétendre que l’Empire se trouve désormais en Occident, c’est affirmer que l’Empire byzantin a perdu sa dernière originalité : le rôle fondamental de l’État et de son représentant, l’empereur, dans l’organisation de la société.

Rejeter Byzance vers l’Orient, c’est lui dénier son rôle dans la transmission de l’héritage romain ; limiter Byzance à un rôle d’héritier, c’est ne pas tenir compte des changements et des innovations politiques et administratives qui jalonnent sa longue histoire, entre 324 et 1453. Le piège est tentant, les historiens doivent y résister !

Ce numéro met ainsi l’accent sur ce qui singularise avant tout Byzance : un empereur, romain et chrétien, un empereur médiéval, comme base de la construction et de l’organisation des pouvoirs.

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